lundi 10 décembre 2012

Conférence sur me mariage coutumier par Gladys ESSONG


Un lundi matin de Novembre, une trentaine de personnes se sont retrouvées au local de l'association, pour écouter Mme Gladys ESSONG, professeur au Centre National de Recherches Scientifiques et Techniques. Cette grande spécialiste nous a appris beaucoup de choses concernant le mariage coutumier au Gabon, depuis ses origines jusqu'à nos jours.



Caractéristiques du mariage coutumier

Dans la conception originelle du mariage, ce dernier est géré par la structure familiale complète : le but du mariage est d’agrandir le groupe par la reproduction . C'est une affaire entre deux famille élargies, et le mariage coutumier ne concerne jamais uniquement deux personnes. (encore aujourd'hui, il ne s'agit pas forcément de mariage d'amour : les intérêts économiques et politiques sont encore souvent présents) . Il faut également savoir que pendant très longtemps, la polygamie était le seul régime matrimonial connu au Gabon. (et il est encore reconnu légalement)

Depuis toujours , le mariage coutumier est extrêmement codifié, et ces codes peuvent varier en fonction des origines ethniques.

La dot fait partie de ces codes.



Qu'est ce que la dot ?

La dot est l'ensemble des biens et des présents qui scelle l'union entre les deux familles. D'après plusieurs récits anciens, il semblerait qu'à l'origine, la dot n'existait pas, mais qu'elle fut instaurée afin de garantir « l'obéissance de la femme », la dot étant le moyen pour l'homme et sa famille « d'acheter » l'épouse, d'en être les « propriétaires ».

Toute dot appelle nécessairement une contre-dot, constituée de présents, mais de moindre importance que la dot. Une dot ne se perd pas, elle constitue un « héritage » : si la femme s'en va, sa famille doit rendre tout ou une partie de la dot au mari .



La composition de la dot varie d'une ethnie à l'autre, et dépend de la situation économique des familles. L'importance de la dot est aussi tributaire de la valeur que l'on accorde à la femme choisie. (par exemple, de nos jours, si la femme a fait des études, si elle a telles ou telles compétences...) La composition de la dot a également changé au cours des siècles , et elle existe toujours aujourd'hui.

Vers 1878, on sait que des objets en fer, des animaux, des paniers constituaient la dot.

Puis vers 1918, s'ajoutèrent des fusils, de la poudre, des sacs de sel, de la vaisselle, des chapeaux occidentaux....(c'est pourquoi les commerçants qui travaillaient avec les occidentaux étaient beaucoup convoités ! ).

Certains des ces présents ont en plus de leur valeur marchande, une valeur symbolique : par exemple :

- le fer représentait le poids du mariage

- le panier est symbole de patience : le femme doit y mettre toutes ses difficultés, ses mots, ses soucis … (sachant que ce panier chargé de symboles est percé ! )

Après 1918, le fer se fait rare et dès 1922, l'argent occidental fait partie de la dot.

Comme des enchères, il faut donner toujours plus, avec de plus en plus d'argent. Par exemple, en 1992, la dot était composée de canettes de jus de fruits, de bières, de bouteilles de vin, d'huile, de sel, d'allumettes, de poissons, de riz, de poulets, de tabac, de costumes, de pagnes ... et d'argent CFA. La dot peut aussi être composée d'objets très modernes : télé avec écran plasma, voitures etc..Il n'y a pratiquement plus d'objets symboliques, et moins d'animaux domestiques (sauf s'il s'agit d'animaux impressionnants, comme le bœuf ). L'argent peut représenter de très grosses sommes, même dans les petits villages ( de 200 000 CFA à 1 million 800 000 ou plus !! )



Comment se déroule un mariage coutumier ?

La première étape s’appelle la présentation, et correspond plus ou moins aux fiançailles. Cette période dure 6 mois maximum. ( au-delà, il y a annulation du mariage)

La deuxième étape est très « théâtralisée » : il y a différentes parades, faites de sketchs,de chants, où la procession franchit plusieurs « barrages » : par exemple, « payer la douane », « consulter le docteur »...L'époux doit avancer vers la famille de la future mariée. Les festivités démarrent toujours chez la future épouse et c'est le père de la mariée qui prend la parole. C'est à ce moment que la dot est versée. Il s'agit d'une véritable échange « commercial » : la femme contre la dot. Puis la contre-dot est versée, en signe d'hospitalité.

L'étape suivante consiste en un repas festif, accompagné de chants et de danses.



Deux codes de lois qui coexistent, encore de nos jours :

- La dot signifie que l'époux prend la possession définitive de la femme ; la dot implique que la femme réside dans la maison du mari. Tous les droits reviennent à l'homme, les enfants appartiennent au père, la dot garantissant la filiation. Les relations sexuelles n'étant pas interdites hors mariage, les enfants appartiennent à la famille de la mère, avant qu'elle ne se marie. Mais si la femme commet un adultère, et tombe enceinte, l'enfant appartiendra au clan du mari ayant payé la dot. S'il n'y a pas de dot, l'enfant revient au père ou au frère de la femme. La femme n'a pas de droit vis à vis de ses enfants.

- La dot donne droit au veuvage. Une femme veuve peut subir des sévices moraux et physiques, encore de nos jours. La veuve peut être donnée au petit frère du défunt. Elle peut aussi être dépouillée de tout et chassée.

Il existe un fort paradoxe entre tous ces droits coutumiers et les droits décrétés par les lois. ( inspirées des anciennes lois françaises du Code Napoléon.) Par exemple, dans la constitution du Gabon, l'égalité des sexes est inscrite, mais dans les faits, ce sont les lois coutumières qui prévalent. Ainsi, en théorie, une veuve expropriée peut porter plainte, mais c'est presque impossible en réalité.

Il existe bien des associations qui essaient de faire entendre la voix des femmes, il y a déjà eu des marches contestataires, (comme en 1994), mais le poids des lois coutumières reste très fort.

Par exemple, le système de la dot a été interdit par le président en 1963, mais cette interdiction n'est pas respectée. Les Gabonais restent très attachés à leurs lois coutumières. Il arrive parfois que le mariage ne soit pas célébré civilement, mais uniquement selon la coutume.

Certains pensent qu'il vaut mieux légaliser la dot, afin de lui donner un cadre juridique et éviter ainsi les dérives. Mais même dans les lois actuelles, la notion de « chef de famille » est primordiale, et la femme gabonaise peine à faire valoir ses droits.



C'est par un débat et un échange de questions-réponses que s'est terminée cette belle rencontre, riche d'enseignements...Un grand merci aux organisatrices et à la conférencière !

Sandrine

Voir l'album de la conférence



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